Origine terminologique des ellipses, paraboles et hyperboles


Origine terminologique des ellipses, paraboles et hyperboles
Michel Lartillier
31 janvier 2011
Voici bien des termes ancrés dans le vocabulaire mathématique et ... syntaxique.
On lit beaucoup d’explications diverses quant à la signification de ces termes et leur apparition en divers contextes (mathématiques et autres) Qu’en est-il exactement ?
Les verbes grecs ellipsein, parabolein et hyperbolein sont d’usage courant en langue grecque antique avec leur sens de manquer de, être égal et être en excès. Ils vont très vite adopter le sens qui leur est d’ailleurs resté en stylistique (pensons seulement aux Paraboles du Nouveau testament) Un raisonnement géométrique très ancien va faire apparaitre parabole, ellipse et hyperbole en mathématique :
l’application des aires
En quoi consiste cette application des aires,
On se donne un segment [a,b] et une portion de surface d’aire S
et .. on applique un rectangle d’aire S sur ce segment [a,b]
Trois possibilités :
1. le rectangle a pour un de ses côtés le segment [a,b] : sorte d’égalité on
effectue une PARABOLE (des aires)
2. le rectangle a pour un de ses côté une partie du segment [a,b] : il y a un
manque on effectue une ELLIPSE (des aires)
3. le rectangle a pour un de ses côtés une extension du segment [a,b] : il y
a un excès on effectue une HYPERBOLE (des aires)
Voici donc les termes parabole, ellipse et hyperbole au sein du langage
mathématique.
La lecture des Eléments d’Euclide en Grec montrera amplement l’usage qu’Euclide
fait de ses termes dans de nombreux théorèmes
( les traductions anglaises et françaises ont hélas éliminé cette terminologie)
Les sections coniques s’obtenaient de manière quelque peu différente des
notres :
le cône doit être droit
le plan de section doit être perpendiculaire à une génératrice du cône
Il s’en suit que chaque conique obtenue est associée à son cône et que seule une
branche de l’hyperbole est considérée
1. section de cône d’angle (au sommet) droit : notre parabole
2. section de cône d’angle (au sommet) aigu : notre ellipse
3. section de cône d’angle (au sommet) obtus : notre demie-hyperbole
Ni Euclide, ni Archimède n’usent de parabole, ellipse et hyperbole lorsqu’ils parlent de section conique !
Vient alors le grand géomètre Apollonius de Pergé [200 A.C.] qui dans son
monumental ouvrage consacré aux coniques va introduire plusieurs innovations :
le double cône est pris en considération (la section de cône d’angle obtus
va ainsi apparaître avec ses deux branches)
le cône est quelconque
le plan de section est lui aussi quelconque
dans le premier livre, il va établir 3 théorèmes à l’aide des applications des aires
qui seront fondamentaux pour la terminologie future des coniques :
1. Dans toute section d’un cône d’angle droit , il y a une parabole entre un
côté fixé et un rectangle d’aire donnée
2. Dans tout section d’un cône d’angle aigu, il y une ellipse entre un côté
fixé et un rectangle d’aire donnée
3. Dans toute section d’un cône d’angle obtus, il y a une hyperbole entre
un côté fixé et un rectangle d’aire donnée
et propose de baptiser par parabole, ellipse et hyperbole les trois sections coniques.
Ces nouvelles appellations sont bien légitimes avec la mathématique grecque
de son temps et concordent bien avec les autres occurences de parabole, ellipse
et hyperbole.
La vision projective depuis Désargues [1591-1661] des coniques va familiariser
les mathématiciens avec une classification par points à l’infini des coniques :
1. Aucun point (réel) à l’infini : ellipse
2. Un point (double)(réel) à l’infini : parabole
3. Deux points (réels) à l’infini : hyperbole
Ces idées adoptées au XIX siècle vont amener à la suite de Steiner [1796-1863] à
qualifier de parabolique, elliptique et hyperbolique tout concept associé à 1,0
ou 2 points (soit à l’infini soit comme points doubles d’une transformation).
Cette tendance de l’époque amènera F.Klein [1849-1925] à baptiser de manière
similaire les trois géométries (Euclide, Riemann et Bolyai-Lobachevski)
1. la géométrie de Riemann dont les droites sont dépourvues de point à l’infini
: géométrie elliptique
2. la géométrie de Bolyai-Lobachevski dont les droites ont deux points à
l’infini : géométrie hyperbolique
3. la géométrie d’Euclide dont les droites ont un seul point à l’infini : géométrie
parabolique.
On voit ainsi comment une terminologie peut évoluer au cours des siècles tout en gardant , d’une certaine manière, la même étymologie Dans un article plus complet (à paraître) les textes originaux (Grecs, Euclide, Apollonius, Klein) seront inclus.